12 juin 2025

Une quarantaine d’intellectuels, de militants des droits humains et de personnalités de la société civile congolaise, parmi lesquels le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege, ont adressé une lettre ouverte au président de la République démocratique du Congo, dénonçant la tournure préoccupante des discussions diplomatiques autour de la crise dans l’Est du pays.

Publié le 29 avril, à la veille du sommet prévu à Washington entre la RDC et le Rwanda, le texte exprime une vive inquiétude face à une « menace existentielle » pesant sur la souveraineté du pays. Les signataires dénoncent l’occupation de territoires congolais par l’armée rwandaise et les rebelles du M23 (désormais alliés au sein de l’AFC), et s’alarment d’une logique « transactionnelle » dictée par des intérêts étrangers, notamment américains.

« Notre pays est amputé, des millions de nos compatriotes vivent sous la menace, dans l’angoisse de la famine et de la violence armée », peut-on lire dans la lettre, qui souligne la gravité de la crise humanitaire et la découverte de fosses communes dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.

Les signataires expriment leur défiance à l’égard de la déclaration de principes signée le 25 avril à Washington entre la RDC et le Rwanda, sous médiation américaine. Bien que le texte réaffirme la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, ils estiment qu’il manque de transparence et d’inclusivité.

« La paix est notre seul horizon », écrivent-ils, tout en appelant à ce que cette paix ne soit pas construite au détriment des ressources naturelles du pays. Ils rappellent au président que tout accord engageant ces ressources, en l’absence d’une loi votée par le Parlement, constitue une violation de la Constitution.

Les auteurs de la lettre demandent l’organisation de consultations nationales, l’intégration de la justice transitionnelle dans les négociations, et exhortent le président à « ne pas brader » les richesses congolaises dans le cadre d’une intégration régionale dictée par des puissances extérieures.

Ils citent enfin les mots du pape François, prononcés lors de sa visite à Kinshasa en 2023 : « Retirez vos mains de l’Afrique. Elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. »

Outre Denis Mukwege, le document est signé par des figures telles que Me Jean-Claude Katende (Asadho), les professeurs Alphonse Maindo et Jean-Claude Maswana, Dismas Kitenge, Joseph Bobia Bonkaw, ainsi qu’une trentaine d’autres personnalités issues de la société civile, du monde académique et de la diaspora congolaise.

Assiyah Tshamunyongue